Harper' s Bazaar

Février 2024

Spécialisée dans la dorure, l'artiste Lucie Monin dédie son quotidien à l'exécution de gestes précis. Un savoir-faire synonyme d'excellence qui ne l'empêche pas de développer sa créativité, comme elle a pu le faire avec Balenciaga et Loewe. Rencontre avec une personnalité inspirée et inspirante.

“ Lorsque je me suis lancée, le fait que je veuille proposer des décors uniques réalisés à la main paraissait un peu incongru. Il y a une quinzaine d’années, nous ne parlions pas beaucoup de personnalisation.” Quand l'artiste Lucie Monin se lance dans la dorure pour la décoration et la mode, elle se heurte à une incompréhension générale. Si la technique est habituellement réservée à l'habillement des livres précieux, cette dernière la transpose dans des objets, des vêtements ou des accessoires. “Depuis le covid, il y a eu des ouvertures. Beaucoup de métiers d’art ont revu le jour. On se tourne à nouveau vers ces trésors que l’on possède”, ajoute-t-elle.

Mais comment en vient-on à devenir artiste doreuse ? Pour sa part, Lucie Monin commence par suivre une formation de trois ans au Centre des arts du livre, niché dans le musée Nissim de Camondo, près du Parc Monceau, à Paris. De cette première expérience dans laquelle elle ne s'est pas véritablement retrouvée, elle ne garde que le savoir-faire. Une technicité d'où découlent des couvertures dorées de livres usées par le temps, témoins aussi bien d'une époque révolue que de l'intimité de leurs propriétaires. Elle intègre ensuite l’École Bleue, école parisienne d’architecture et de design d’intérieur, où elle s'initie à une nouvelle approche du volume et des matériaux et parvient à trouver un équilibre entre le vide et le plein. Et la théorie laisse place à la pratique quand l'étudiante change de statut pour se mettre à son compte en 2011. Un job de rêve qui reste bien flou dans l'inconscient collectif. Des énigmes élucidées une à une par Lucie Monin pour Bazaar. Interview.

Quelles sont les étapes successives dans votre travail ?

Je tiens tout d'abord à préciser que tout réalisé à la main. C’est mon parti pris. J'utilise de la feuille d’or ou d’argent ou même de la couleur. L'or constitue l'essentiel de mes projets car il possède cette capacité à capter très bien la lumière. Selon l’angle avec lequel on se positionne, il aura toujours un nouveau visage. C’est très intéressant de pouvoir avoir un relief. Sur le cuir, c’est un travail différent, forcément à chaud. Je reporte mon décor sur un calque avant de le graver par transparence. Le processus est assez long. Ensuite, j’enlève le calque et j’obtiens une première forme à chaud. Enfin, je me remets dessus en mettant une ou plusieurs couches d’or.

Comment se déroulent vos collaborations artistiques ?

La plupart du temps, ce sont des collaborations où je vais pouvoir proposer mes créations et d’autres fois, je dois me rapprocher au mieux des décors que l’on me suggère. Cela peut être par exemple des inspirations florales, végétales, animales... Après l'interprétation des données, je peux passer à l'étape de la dorure. Je fournis alors entre deux et quatre propositions graphiques. Le client alors choisit celle qui lui semble la plus adéquate. Une fois que nous avons trouvé un terrain d’entente, le travail de dorure peut commencer et l'oeuvre finale germer petit à petit.

Quelles sont les coulisses de vos créations avec Balenciaga et Loewe ?

En 2007, j’ai commencé à mettre un pied dans le milieu de la mode avec Balenciaga. J'étais encore étudiante quand la maison de couture est venue me solliciter. Une décoration en or 22 carats sur un blouson à l'inspiration orientalisante issue de la collection printemps-été 2008 a vu le jour.

Pour Loewe, je suis intervenue sur l'ajout de détails en filigrane doré sur un col en cuir vert surmontant une robe du défilé automne-hiver 2017-2018. Il s'agissait d'entrelacs et de feuillages issus de l'iconographie médiévale. Les équipes de LOEWE ont puisé leurs idées dans des ouvrages du XVIe siècle dotés de motifs végétaux rapportés de la Renaissance italienne.  Au fil du temps, la dorure traverse les frontières en touchant différents horizons, plus particulièrement en Asie, aux Etats-Unis, sur la Péninsule Arabique et en Afrique.

Défilé LOEWE Automne-Hiver 2017-2018

Par Mathilde Régent pour Harper’s Bazaar.

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